©Chantal de La Coste.
© 2007-2021 Indexhibit™ v2.0.1

Chantal de la Coste sur theatre-contemporain.net

Le Faiseur
Gérald Ross, sur humanite.fr, 11.03/2022
Les mots de Thomas Bernhard ne sont jamais innocents, ni indolores.
Ils font mouche à tout coup. L’auteur Autrichien, disparu à 58 ans en 1989
est à l’affiche au théâtre de la Porte Saint-Martin avec
Avant la retraite,
dans la mise en scène d’Alain Françon.
L’ambiance se veut bien plus légère, mais attention aux détournements,
dans
Le faiseur de théâtre, avec la mise en scène ramassée de Chantal
de La Coste. Dans cette aventure, Bruscon, «
auteur dramatique et acteur d’État » joue en tournée avec femme fille et fils La roue de l’Histoire, un étrange jus de sa plume, mêlant sur scène, Napoléon, Hitler et quelques autres personnages. Hervé Briaux, est un formidable comédien qui joue au comédien, et qui dans un délire incontinent massacre (en mots, heureusement) femme, fille (Séverine Vincent) fils (Quentin Kelberine, également assistant à la mise en scène) et l’aubergiste (Patrice Dozieret). Ils doivent se produire dans la petite salle d’une auberge, « le jour du boudin », à deux pas d’une porcherie.
Dans cet univers, Bruscon, envisage l’échec. Pour sa pièce, il veut que toutes les lumières de la salle, y compris les veilleuses de secours soient éteintes pour les cinq dernières minutes.
Finalement, et presque contre toute attente, le capitaine des pompiers de la bourgade le lui accorde. On retrouve ici un trait de colère de Bernhard qui connut la (vraie) mésaventure au festival de Salzbourg, en 1972 pour la création de
L’ignorant et le fou. La direction du théâtre refusa alors l’extinction à la fin des lampes de sécurité, la représentation eut lieu mais Thomas Bernhard interdit alors toute nouvelle représentation en dépit de critiques élogieuses.

Thomas Bernhard revivifié, par Armelle Héliot, 02.04/2022
Chantal de La Coste met en scène une version resserrée de la fascinante pièce de l’écrivain autrichien, en renforçant la puissance grinçante. Hervé Briaux est un Bruscon magistral, aussi terrible que cocasse.
    Petite scène, grande mise en scène. On admire depuis longtemps Chantal de La Coste, scénographe et costumière. On connaît moins son travail de metteuse en scène et directrice d’acteurs. Comme elle le dit, elle est «
une femme des coulisses ». Mais lorsque l’on a été l’assistante de Nicky Rieti, la costumière d’André Engel, la scénographe de Mathieu Bauer ou de Lucas Hemleb, pour ne citer que quelques-unes de ses collaborations, on est sur le chemin de la mise en scène…
    À la MC93, elle a dirigé Anne Alvaro dans Judith d’Howard Barker et Hervé Briaux, justement, dans Michel-Ange. C’est elle qui a signé Montaigne,
les Essais pour ce même interprète rare. Et tout naturellement, elle sort enfin un peu de l’ombre avec ce travail audacieux et très maîtrisé sur Le Faiseur de théâtre.
    On est dans une auberge miteuse, dans une petite ville de Haute Autriche. Bruscon, auteur dramatique et «
acteur d’État » doit donner une représentation de La Roue de l’Histoire, une pièce qu’il a écrite. Évidemment, il se sent déclassé, humilié, il tente de jouer la grandeur, sa grandeur. Hervé Briaux, dans le rôle du faiseur est ici remarquable.Face à lui, l’aubergiste. Patrice Dozier, très convaincant dans l’exercice difficile: l’homme doit être à la fois respectueux, blessé par l’énergumène qui le bouscule, l’injurie, et laisser sourdre quelque chose de son étonnement devant la folie qui bourgeonne…
À ses côtés, sa femme, sa fille: il suffit d’une robe en surplus pour que Séverine Vincent passe de l’une à l’autre. Elle est parfaite. Écrasée sans doute consentante, anéantie par l’égoïsme du grand homme. Son fils est incarné par le fin Quentin Kelberine est remarquable, sensible et touchant.
    La version brève donne à ce personnage combattant, une grandeur plus flamboyante. Il n’est jamais ridicule ce Bruscon, car on a le sentiment, par le jeu même de l’interprète, que l’entêtement du personnage, sa détermination à ne pas se laisser atteindre par les circonstances humiliantes, sont nobles.
    Et puis, ce que parviennent à maîtriser les quatre comédiens, portés par la direction de jeu, c’est la coexistence de l’héroïque et du catastrophique, l’aristocratie de la mission, le côté Capitaine Fracasse, touchant, séduisant, et la méchanceté atroce du maître, non du plateau, mais de la famille qu’il a depuis longtemps asservie.
    On rit, on pleure, on a peur. Du grand théâtre, aigu et tranchant, déchirant et drôle. Formidable !



The Rake's Progress
Les vertus du café arrosé de whisky. Par Yvan Beuvard,24.03/2022
On connaît les goûts de Stravinsky en matière de boisson. Lorsqu’il rencontra Auden pour la première fois, après avoir dégusté un café arrosé de whisky, dix jours suffirent aux deux complices pour arrêter l’essentiel du livret. La douce euphorie que ressent le spectateur au sortir de l’ouvrage doit être de même nature. Co-produit par les opéras de Rennes et d’Angers-Nantes, ce Rake’s Progress a été commenté par Tania Bracq à sa création rennaise (Mad Men). Maintenant à Nantes, les mêmes interprètes, rodés à l’exercice, d’un engagement exemplaire, nous offrent une soirée de qualité exceptionnelle, où l’émotion le dispute au sourire.
    Stravinsky éprouva le besoin d’expliciter sa démarche singulière après la création de l’opéra, que boudent encore trop de scènes. « The Rake’s Progress
est (…) un opéra classique, n’en déplaise aux milieux bien informés pour lesquels ces conventions* passent pour surannées. » L’histoire est connue, fondée sur des gravures d’Hogarth qui avaient retenu son attention dès 1947 : les amours d’Anne et de Tom vont être contrariées par Nick, le diable, qui va entraîner l’anti-héros dans la débauche, la ruine et enfin la folie. La société qui nous est peinte est sombre sous l’apparence de la frivolité : cupide, futile et inconséquente. Réaliste, la moralité qui conclut l’ouvrage, tempère la fin idéalisée du dernier acte.
    Passée la surprise du début, la réalisation scénique de Mathieu Bauer est exemplaire. Sans message ajouté, fidèle à l’esprit comme au texte, elle se signale par son efficacité, son invention, sa légèreté et sa richesse. L’humour, l’ironie, y trouvent toute leur place, en contrepoint des moments d’émotion. Renouvelé à la faveur d’un ingénieux dispositif, assorti de vidéos ponctuelles qui contribuent à l’illustration du livret et d’éclairages inventifs, le décor nous plonge dans l’Angleterre des années 50. Les costumes de Chantal de La Coste sont remarquables, et collent aux personnages. Quant à la direction d’acteurs, elle est digne des meilleures comédies musicales, où chaque geste, chaque pas trouve sa place pour expliciter la psychologie ou la situation des acteurs : tous brûlent les planches. Bien sûr, Anne et son père, dont l’amour ne sera jamais pris en défaut, nous touchent par leur constance et les épreuves qu’ils traversent. Cependant, Tom le faible, l’inconséquent, et Nick le roué ne se réduisent pas à des caricatures, tout comme Mother Goose et Baba la Turque. Le dernier acte (écrit et composé le premier) est poignant.
    Pas la moindre faiblesse dans la distribution. Tous les chanteurs excellent, en adéquation parfaite avec les personnages qu’ils incarnent. Sans outrance ajoutée, leur jeu est d’une liberté épanouie que l’on trouve davantage dans la comédie musicale qu’à l’opéra. Un régal. Qui eût cru l’extraordinaire Aricie de l’Opéra Comique (2020) capable de se muer en Anne Truelove ? Elsa Benoît relève parfaitement le défi et nous vaut une héroïne idéale, sensible, au caractère bien trempé. La voix est sonore, fraîche, capable d’aigus piano, aux graves solides, bien projetée, et le jeu comme la diction emportent l’adhésion. Sa cabalette du I, où elle dit combien elle croit dans la toute-puissance de l’amour, et son contre-ut final sont superbes. La tendresse de «
Quietly night », l’émotion de la berceuse finale « Gently, little boat »... c’est un bonheur constant. Tom Rakewell subit en croyant dominer, orgueilleux et chimérique, naïf, faible, mais d’une touchante sincérité, après la débauche puis la faillite. Julien Behr a-t-il mieux habité un de ses personnages ? Quelle que soit la qualité de son Pelléas, ou de son Belmonte, il est permis d’en douter. Intense, d’une émission généreuse, déliée dans ses vocalises, la voix est solide et lumineuse, mozartienne, homogène, capable d’accents héroïques (« City ! City ! »). Le legato, la diction sont exemplaires, comme le lyrisme intense dans son aria « O nature » ; à Bedlam, chez les aliénés, la douceur illuminée d’Adonis cherchant Vénus atteint à l’émotion la plus profonde. Thomas Tatzl a la profondeur des graves requise pour Nick Shadow, personnage maléfique, méphistophélique, grinçant. L’autorité, la brutalité après l’humilité et la séduction assortie de discours sentencieux. L’intensité ne le conduit jamais à surjouer, même lorsqu’ayant perdu, il s’enfonce dans les ténèbres. Vieillard cloué dans son fauteuil roulant, le clairvoyant Truelove est campé par Scott Wilde. La voix est profonde, empreinte d’amour et d’autorité. Le chanteur trouve les accents propres à lui donner vie. Mother Goose est servie par le beau mezzo de l’imposante Alissa Anderson. En Baba la Turque, que l’on croirait échappée des Mamelles de Tirésias, Aurore Ugolin est non seulement drôle, magistrale d’autorité, avec l’abattage requis, mais son chant est exemplaire et a encore progressé depuis sa Bersi (Andrea Chénier), saluée à Toulon. « As I was saying » (au II) est exemplaire. Il faudrait signaler encore le pétulant Sellem de Christopher Lemmings comme le gardien de l’asile, Jean-Jacques L'Anthoën. Quitte à le répéter : le bonheur est constant et général, dans les airs comme dans les nombreux ensembles.
    Le chœur de chambre Mélisme(s), que dirige Gildas Pungier, se hisse au meilleur niveau : les voix sont parfaitement accordées, équilibrées, projetées, pour une participation essentielle et variée. Le jeu dramatique de chacun force l’admiration. Suite à un récent AVC, certainement lié à une intense activité internationale, le chef gallois Grant Llewellyn ne dispose plus que de son bras gauche pour diriger. Balayées les quelques réserves qui avaient été signalées lors de la création : sa direction énergique, rigoureuse et précise, permet à l’orchestre national de Bretagne de traduire au mieux la redoutable partition. Incisive, vivace, joyeuse comme élégiaque, la rythmique stravinskienne, raffinée, soutient la tension. Toujours l’orchestre chante, les pupitres rivalisant d’homogénéité et de couleur. Les passages ironiques, les pastiches mozartiens, le sarcasme comme la tendresse sont merveilleusement illustrés.
    Espérons qu’une prise vidéo permettra de partager ces moments forts avec le plus grand nombre, avant des reprises sur de nombreuses scènes. Vous aimez Stravinsky, vous adorez Mozart, vous appréciez la comédie musicale, vous êtes simplement curieux ? N’hésitez pas un instant. Vous ne serez pas déçu, comme en témoignent les longues et chaleureuses ovations que le public de cette première nantaise a réservées aux interprètes.

* « j’ai préféré couler mon œuvre dans le moule d’un opéra à numéros du XVIIIe siècle, où l’action dramatique progresse au fil de pièces distinctes – airs, duos, trios, chœurs, interludes instrumentaux, récitatifs. »

Opéra : “The Rake’s Progress” et “Così fan tutte”, entre voix célestes et démons manipulateurs. Par Sophie Bourdais, le 12.03/2022
Assister dans la même semaine à deux productions du Rake’s Progress d’Igor Stravinski, à l’Opéra de Rennes, et du Così fan tutte de Wolfgang Amadeus Mozart, au Théâtre des Champs-Élysées, amène à deux constats. D’abord, la santé vocale des jeunes chanteurs français, bien représentés dans un cas(t) comme dans l’autre, est décidément éblouissante. Ensuite, le cousinage entre les deux opéras a rarement été aussi flagrant. L’opus mozartien figure en bonne place parmi les références revendiquées et remixées par la partition néoclassique de Stravinski. Et d’une certaine manière, on nous raconte la même histoire : celle d’amoureux transis séparés par les manipulations d’un douteux personnage, et dont les retrouvailles finales auront un goût de cendre.
Dans
The Rake’s ProgressLa carrière du libertin »), coproduction de l’Opéra de Rennes et d’Angers-Nantes Opéra, le diable lui-même tire les ficelles : le trouble Nick Shadow en veut à l’âme de Tom Rakewell, jeune homme veule aspirant à une vie facile. Shadow appâte Rakewell avec un héritage inattendu, et l’incite à quitter sa fiancée, Anne Trulove, pour le suivre à Londres. Tom mène là-bas une vie de débauche et d’excès qui se termine, un an plus tard, par la présentation d’une note faustienne : Nick exige de son "maître" qu’il se suicide pour le suivre en enfer. Sauvé par l’amour fidèle de sa fiancée, Tom n’échappe pas à la folie, et c’est dans un asile d’aliénés qu’il retrouvera Anne pour d’ultimes et poignants échanges.
L’histoire est censée se passer au XVIIIe siècle – celui de Mozart et de William Hogarth, le peintre qui inspira le livret. Ancien directeur du Nouveau Théâtre de Montreuil, nouveau venu sur les scènes lyriques, le metteur en scène Mathieu Bauer la transpose en 1951, aux débuts de la société de consommation toute-puissante, et au moment où Stravinski crée son opéra. Excellente idée, alimentée par l’inventive scénographie et les plaisants costumes de Chantal de La Coste, et épicée par une quantité de trouvailles visuelles et sonores : les fleurs "plantées" par Anne qui reviendront comme un leitmotiv, les bris d’assiettes rythmant la scène d’indignation de Baba la Turque (épatante Aurore Ugolin), les enchères animées par un commissaire-priseur aux allures de vampire, le clavecin débarquant sur scène, tel un cercueil, au moment fatidique où Shadow dévoile ses cartes…
Le plateau est occupé par six grandes boîtes modulables, qui ressemblent à d’antiques postes de télévisions, et fonctionnent à la fois comme des scènes secondaires et des écrans. Le chœur et les chanteurs n’hésiteront pas, à plusieurs reprises, à envahir la salle. D’emblée, on comprend que tout finira mal : avant les premières notes, Julien Behr – Tom Rakewell erre à côté des premiers rangs, en pyjama, l’œil hagard. Et le traitement plutôt espiègle de sa décadence – jusque dans la voix chaude et agréable de Thomas Tatzl (Nick Shadow), diable fort avenant – rend encore plus poignant le finale installé dans un sinistre asile d’aliénés, où la démence semble avoir gagné jusqu’à la vaillante Anne Trulove (saisie d’une pulsion homicide non prévue par le livret). Le rôle semble avoir été taillé sur mesure pour le ravissant soprano d’Elsa Benoit, qui côtoie, sur scène, le formidable chœur Mélisme(s), où elle chanta autrefois. Julien Behr est un Tom captivant, qui fait passer par sa voix autant que par son jeu le côté papillonnant de son personnage. Toute la distribution est du même (haut) niveau, et l’Orchestre symphonique de Bretagne, emmené par la direction vive et précise de Grant Llewellyn, célèbre avec un enthousiasme contagieux les bigarrures rythmiques et mélodiques de la partition stravinskienne.

Critique sur www.telerama.fr

Seul ce qui brûle
Jean-Pierre Thibaudat, 08.10/2020
On avait découvert Julie Delille avec un spectacle sombre, inquiétant, surprenant, bref : inoubliable, Je suis la bête (lire ici) d’après le magnifique livre éponyme d’Anne Sibran. Voici qu’elle nous revient avec un autre spectacle, lui aussi, prenant et envoûtant : Seul ce qui brûle d’après le non moins magnifique livre éponyme de Christiane Singer, librement inspiré d’une brève nouvelle de l’Heptaméron de Marguerite de Navarre. Deux textes puissants, hors mode, hors tout, et deux versions ou plutôt visions ou encore transfigurations scéniques puisant dans l’essence même du théâtre : une lumière qui vibre dans la nuit, des mots qui déchirent le silence, un corps qui advient comme une apparition.

Une coupelle d’eau
La compagnie de Julie Delille, le Théâtre des trois Parques, est implantée dans un petit village du Cher où elle habite, Montlouis. «
Nous imaginons, au milieu de ces vastes étendues rurales, un théâtre-abri », écrit-elle. Le nom de la compagnie n’est pas un gadget, c’est un engagement. Les trois divinités poétiques sont les garantes d’un théâtre qui met « le sensible et l’émotion » au cœur de «la recherche». Comme pour Je suis la bête, Julie Delille fait tandem avec Chantal de la Coste qui signe les costumes, la scénographie et cosigne avec Julie Delille l’adaptation. Une belle complicité.

Critique sur www.humanite.fr

Critique sur www.lesinrocks.com

Critique sur hottellotheatre.wordpress.com


Je suis la bête
Balagan, 20.02/2018. Par Jean-Pierre Thibaudat.
Une solitude peuplée
C’est ainsi que commence Je suis la bête. Les mots (texte et adaptation)
sont signés Anne Sibran. Le corps, la voix et la mise en scène sont de Julie Delille qui après avoir lu
Je suis la bête (Gallimard, collection Haute enfance) s’est emparée de ce récit extraordinaire dans tous les sens du mot.
    La scénographie, le costume et le « regard extérieur » sont de Chantal de La Coste. Les lumières sont signées Elsa Revol, la création sonore Antoine Richard. Chacun a sa part de réussite dans ce spectacle hors norme, hors catégorie qui va chercher le théâtre dans son étoilement pour y atteindre et conjuguer des tréfonds d’une rare intensité.



La rive dans le noir
Le Figaro, 13.07/2016. Par Armelle Héliot.
À la Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon, au Tinel, c'est un joyau que
l'on peut découvrir. Un de ces moments exquis de charme insolite, de profondeur, de beauté, de joie.
La Rive dans le noir ou une performance
dans les ténèbres a été imaginé et est vécu devant nous par Pascal Quignard et Marie Vialle.
    La présence puissante d'un Quignard toujours émacié et grave, belle voix, la beauté et l'art du jeu de Marie Vialle quia appris à pousser des cris... d'oiseau, les costumes sculptures et la scénographie de Chantal de La Coste, le texte magnifique, tout fait de ce moment un sommet d'émotion et d'intelligence dramatique avec quelque chose d'espiègle. Deux enfants, Quignard et Marie Vialle...



Princesse, vieille reine
Le Figaro, 07.09/2015. Par Armelle Héliot.
Depuis dix ans, Pascal Quiniard écrit pour la comédienne-musicienne,Marie Vialle, qui joue et se joue de ses textes. Dans  Princesse Vieille Reine, les inventions spatiales et textiles de Chantal de la Coste ajoutent au charme.
    
Princesse Vieille Reine, ce sont cinq contes, cinq pièces de tailles très différentes, cinq personnages de femmes, que le styliste des Ombres errantes a ciselées dans du cristal de mots. Rien de froid, mais des évocations de sensations, d’humeurs, de mondes flottants dont Marie Vialle nous restitue la beauté. Chantal de la Coste, qui possède la science des étoffes, des matières, habille et déshabille Marie, qui passe d’un texte à l’autre comme une petite fille se promenant dans un grenier plein de trésors. Comme l’écriture, tout ici est littéralement « cousu main ». De la très haute couture. Marie Vialle chante, siffle, dit, interprète, nuance, chuchote, déchire de cris d’oiseaux, incarne, se déplace, fascinante et gamine parfois. Les textes sont envoûtants. On est sous le charme d’une perfection musicale, intellectuelle, sensuelle.


Michel-Ange
Le Figaro théâtre, 09.10/2013. Michel-Ange. Par Armelle Héliot
Il y a dans ce travail très soigné, qui s'appuie sur une scènographie spectaculaire de Chantal de La Coste, une fantaisie gamine, un questionnement très intelligent de la fonction de l'art, du sens de la "création".

Webthea, 08.10/2013. Ombre et lumière d’un génie. Par Gilles Costaz.
Scénographiquement, le spectacle est déjà étonnant : ce décor de marbre dressé dans le vide, conçu par Chantal de La Coste, est admirable et le déroulement de l’action a cet aspect concis, compact. Quant à Michel-Ange, il est joué par l’un de nos plus grands acteurs, Luc-Antoine Diquero, tout en puissance et en déchirures : un fauve portant dans ses veines le raffinement de l’art. Quelle interprétation !


Judith
Les Trois Coups. Par Emmanuel Cognat, 03.06/2013
Remarquable « Judith » ... Chantal de la Coste construit un théâtre des passions humaines. Un cadeau rare pour une première rencontre.
    Chantal de la Coste, qui a travaillé avec les plus grands en tant que scénographe, a choisi d’offrir sa première mise en scène aux spectateurs de la M.C.93 de Bobigny. Pour faire vivre le mythe de Judith et Holopherne, revisité de manière poignante par Howard Barker, elle fait appel à trois comédiens de talent, sur les épaules desquels elle construit un théâtre des passions humaines. Un cadeau rare pour une première rencontre.
    (...) Dès les premiers mots du monologue d’Holopherne qui ouvre la pièce, on ressent toute l’intelligence de la mise en scène de Chantal de la Coste. Non pas une intelligence tapageuse, comme on en voit trop souvent ces temps-ci, faite d’inventivité forcenée qui n’a cure de malmener le texte qui lui sert de caution. Une intelligence véritable, « étymologique », embrassement empathique d’un texte qu’elle va chercher, et parvenir, à faire sentir et vivre. La plus évidente des manifestations de cette intelligence étant, contrairement à ce que l’on aurait pu attendre d’une professionnelle de la scénographie, le fait qu’elle confie la clef de ce succès à une exceptionnelle distribution, plutôt qu’à un dispositif scénique élaboré.
    Hervé Briaux, que l’on a récemment vu à la M.C. 93 dans Histoires diaboliques (dont il était l’un des principaux atouts) campe en effet un Holopherne grandiose, qui possède tout à la fois la puissance d’un personnage de légende et la complexité d’un homme tourmenté. Son timbre grave et sa diction impeccable, qui ouvrent la pièce avec le monologue morbide du général, agissent comme un pendule hypnotique, happant littéralement le spectateur pour le transporter dans l’ombre des tentures du campement assyrien. Pour lui donner la réplique, Anne Alvaro, qui pénètre dans la pénombre de son intimité avec la démarche hésitante de la soumission, étonne tout d’abord, par son âge, nettement plus avancé que celui de la Judith biblique, autant que par son ton, presque hésitant, qui ne semble guère correspondre à l’héroïne que l’on attend qu’elle devienne. Quelques minutes lui suffisent toutefois pour subjuguer l’assistance. Elle confère en effet à sa Judith l’extraordinaire et si humain équilibre entre force et fragilité que seul un jeu tantôt fin et discret, tantôt énergique et violent – mais toujours parfaitement maîtrisé – peut rendre possible. Face à deux acteurs d’un tel talent, la partie n’est pas facile pour Sophie Rodrigues qui campe une servante conçue par Barker comme un contrepoint aux deux autres personnages. Déterminée, rationnelle, imperméable à toute pitié pour l’oppresseur et, en ce sens, aveugle aux passions qui sont le cœur de la pièce, elle est le prisme sur lequel se réfléchissent les sentiments du couple mythique. Malgré un rôle d’une profondeur forcément moindre, elle s’en acquitte avec une belle énergie qui contribue à soutenir l’attention du spectateur jusqu’à l’issue de la pièce, malgré la mort d’Holopherne peu après son mitan.
    Autour de ce brillant trio, le dispositif scénique se fait discret, écrin subtil et élégant qui contribue à camper le décor sans jamais détourner l’attention de ce qui compte. Celui qui souhaitera s’y intéresser lui trouvera toutefois du sens, qu’il s’agisse du contraste entre le sable noir qui recouvre le plateau, la blancheur des draps d’Holopherne et de son baldaquin et le rouge de son sang ou encore des casques de phalangistes rangés au sol et régulièrement transpercés par le faisceau de lumière qui accompagne la trompette de la vigie. Pour ma part, je n’en n’ai pas eu le loisir. Car la sortie de Judith, redevenue celle dont l’histoire a conservé la mémoire, m’a quasiment pris au dépourvu, en même temps que soulagé, tant la tension dramatique était demeurée constante soixante-dix minutes durant.

Première, 30.05/2013. Par Hélène Kuttner
Pour sa première mise en scène, la scénographe Chantal de la Coste réussit son pari : sur le sable d’un blond désertique, près d’une tente rectangulaire qui sera le lieu des ébats, un trio d’acteurs brillants rend la pièce incandescente. Anne Alvaro (Judith), solaire, sidérée et sidérante de mystère, suspendue à des mots qui hésitent entre mensonge et vérité ; Hervé Briaux (Holopherne) lourd d’une gravité dangereuse ; Sophie Rodrigues, vive et légère, comme une abeille allant droit au but dans sa concrétude. La tension, palpable, s’immisce jusque dans leurs vêtements faits de riches étoffes, alors qu’une armée de casques, posés à terre et illuminés, nous rappelle que le combat des Assyriens reprendra dès l’aube. Du début à la fin, les acteurs nous tiennent suspendus à leurs gestes et à leurs mots. C’est un très beau moment de théâtre, qui nous laisse ébahis et surtout pétris d’interrogations.

AFP, 28.05/2013
Anne Alvaro vibrante dans «Judith» de Howard Barker.

Reg’Arts, 27.05/2013. Par Gérard Noël.
Dans le rôle du tyran, Hervé Briaux est saisissant. Il a pour lui son physique et son jeu brutal, qui fait alterner grondements et douceur. Il incarne on ne peut mieux les méandres et mystères de son personnage. Belle présence de Sophie Rodrigues, à la fois légère et tragique. La « jeune » metteuse en scène Chantal de la Coste a fait un travail remarquable, il faut le dire. Voici une pièce que nous recommandons…évidemment.

Théâtre du blog, 25.05/2013. Par Véronique Hotte.
La mise en scène raffinée de Chantal de la Coste œuvre dans le sens de ce jeu d’amour et de répudiation, de vie et de mort. Holopherne souhaite s’entretenir de la fatalité tragique en cette dernière nuit avant la bataille. Sur un sol recouvert d’un beau sable blond, la tente protège la couche du tyran et guerrier, non loin de l’armée qu’on sait prête à se lever. Métaphore militaire, sont déposés sur la plage des casques de fer que l’éclairage d’un mirador, de temps à autre, fait scintiller, rappel régulier de la sentinelle pour le massacre, dès la levée du jour.
    Les impossibles amants ont l’intention respective de réprouver comme d’embrasser, de tuer l’autre et de l’aimer, en même temps. Le duel est à armes égales, entre pensée et abandon. Sophie Rodrigues en suivante instinctive, pratique avec plaisir une diction naturelle. Hervé Briaux, stature imposante et fragilité sourde, apporte à Holopherne réserve et panache.
Anne Alvaro, grande actrice tragique, tendue et lumineuse, fait entendre des cris sublimes de bête meurtrie, des hurlements profondément humains de victime traquée. C’est un magnifique non désespéré, un refus de l’horreur qui n’en finit pas de se répandre par-delà le temps.